Les Engagés veulent ajouter un critère d’Impact Santé dans toutes les décisions

Motion portant sur l’adoption du critère d’Évaluation d’Impact sur la Santé (EIS) dans toute décision politique

Proposition de résolution visant l’adoption d’une démarche d’Évaluation d’Impact sur la Santé pour toute décision politique communale, déposée par André du Bus (les Engagé.es), Lucien Rigaux (PS-Vooruit+), Gisèle Mandaila (Défi) + La Liste du Bourgmestre et Écolo.

 

La santé et ses multiples déterminants

– Considérant la définition de la santé de l’OMS qui ne limite pas la santé à l’absence de maladie ou d’une infirmité mais la considère surtout comme un état de bien-être aussi bien physique que mental et social.

– Considérant que cet état de bien-être ne peut être réduit à une dimension statique mais s’inscrit dans une dimension dynamique positive qui s’adapte aux différentes étapes de la vie de chaque être humain et que la santé peut alors être considérée comme une ressource vitale pour chacun et à chaque étape de sa vie ;

– Considérant les multiples études qui ont mis en avant que les soins de santé ne participaient qu’à une proportion de 15 % à 25 % sur l’état de santé des individus et que le reste était déterminé par des facteurs internes tels que les caractéristiques propres à l’individu, et des facteurs externes tels que l’environnement physique et social, ainsi que les habitudes de vie ;

– Considérant que parmi les facteurs internes et propres à l’individu tels que le patrimoine génétique, la science de l’épigénétique a démontré que l’expression de certains gènes reste sous une influence externe liée au style de vie et à l’environnement physique1 ;

– Considérant dès lors que les facteurs externes ainsi que le style et les habitudes de vie de l’individu participent de manière majeure à son état de santé ;

– Considérant que l’on peut catégoriser les facteurs externes en facteurs physiques et en facteurs sociaux. Et que parmi les facteurs physiques, on recense la qualité de l’air, la qualité de l’eau, la qualité de l’alimentation, mais aussi l’urbanisme et l’aménagement du territoire en ceci par exemple qu’ils peuvent favoriser ou non une activité physique quotidienne (pistes cyclables, état des trottoirs, accessibilité à une infrastructure sportive…), participer à la qualité de l’air (présence et densité d’espaces verts), mais aussi favoriser la rencontre sociale entre individus (parcs, espaces de rencontres, présence de bancs). Que, parmi ces facteurs physiques, on recense également la qualité du logement et son adaptation aux besoins des individus. Qu’en ce qui concerne les facteurs sociaux on recense le fait d’avoir un emploi, le fait de bénéficier d’un réseau social, le fait de bénéficier d’un niveau de formation adapté à ses besoins et ses capacités, le fait de pouvoir bénéficier de repères culturels, le fait pour chaque individu de pouvoir participer à des processus de décision qui le concernent ;

– Considérant le fait que cette liste de facteurs physiques et sociaux n’est pas exhaustive mais donne une indication de la panoplie extrêmement large des déterminants qui fondent l’état de santé et de bien-être des individus ;

– Considérant que les résultats du dernier diagnostic social et de santé ont montré un accroissement de la pauvreté sur la plupart des communes bruxelloises y compris Etterbeek ;

– Considérant que le pouvoir communal dispose de compétences réelles et proches du citoyen, c’est à dire adaptées à son contexte et son milieu de vie, qui ont une incidence réelle sur l’ensemble de ces déterminants de la santé : le logement, l’emploi, l’urbanisme, l’aménagement du territoire, les infrastructures sportives, les espaces verts, l’enseignement, la formation, la culture, la santé, la participation des citoyens… ;

– Considérant que ces compétences sont soit exclusives (par exemple la gestion des voiries communales, la composition des repas dans les cantines scolaires, la mise à disposition d’infrastructures sportives), soit partagées avec d’autres niveaux de pouvoir (par exemple l’emploi à travers l’aide à la remise à l’emploi, le logement via l’offre de logements sociaux ), mais qu’en tout état de cause le pouvoir communal peut imprimer sa marque, infléchir des décisions, même dans le cadre de compétences partagées ou déléguées ;

– Considérant que parmi l’ensemble de ces compétences, l’évidence de leur incidence sur la santé est inégalement répartie même si cette incidence est tout aussi réelle : par exemple l’incidence sur la santé du caractère accessible des infrastructures sportives est plus évident que l’incidence sur la santé d’espaces de rencontres dans l’aménagement des parcs ou encore que l’aménagement d’escaliers attractifs au sein des bâtiments publics.

– Considérant que s’il est important de prendre conscience de l’impact sur la santé de toutes les décisions prises au niveau communal, et surtout dans le cadre de compétences où cet impact n’est pas évident, il est dès lors nécessaire de mettre en place une procédure adaptée visant à renforcer cette prise de conscience ;

– Considérant qu’il existe une procédure relative à la démarche d’Évaluation de l’impact sur la santé (EIS) initiée au Quebec, qui a fait l’objet d’une définition de l’OMS et qui s’étend progressivement dans le monde francophone jusqu’à se déployer, par exemple en France, via des réseaux de municipalités appliquant cette démarche ;

– Considérant que l’Évaluation d’Impact sur la Santé (EIS) est, selon l’OMS, « une combinaison de procédures, de méthodes et d’outils par lesquels une politique, un programme ou une stratégie peuvent être évalués selon leurs effets potentiels sur la santé de la population et selon la dissémination de ces effets dans la population. Il s’agit d’un processus multidisciplinaire structuré par lequel une politique ou un projet sont analysés afin de déterminer leurs effets potentiels sur la santé. »2;

– Considérant que la démarche EIS encourage la transversalité dans la déclinaison des politiques et est dès lors en phase avec les 17 objectifs de Développement Durable de l’ONU ;

– Considérant qu’en Belgique francophone, plusieurs initiatives similaires sont encouragées et soutenues par l’asbl SACOPAR – Santé, Communauté et Participation – ;

– Considérant que plusieurs communes bruxelloises se sont déjà engagées dans un processus d’intégration de la santé dans toutes les politiques en signant la Charte bruxelloise pour l’intégration de la santé dans toutes les politiques ;

 

Inégalités sociales de santé et état de santé de la population

– Considérant que les individus sont inégaux face aux enjeux de santé, et que les sciences sociales ont identifié une série d’inégalités sociales de santé qui font l’objet de politiques spécifiques;

– Considérant que parmi ces inégalités sociales de santé, on relève entre autres le niveau de formation (l’espérance de vie varie de dix années entre les titulaires d’un diplôme universitaire et celles et ceux qui n’ont pas de diplôme secondaire), les revenus (5 % des personnes les plus aisées vivent 13 ans de plus que les 5 % des personnes les plus modestes), le quartier (en Région bruxelloise, l’espérance de vie varie de 8 ans entre certains quartiers), le logement (vivre dans un logement exigu, mal isolé, en butte à des tensions sociales, est source de plus de risques pour la santé que vivre dans un logement sain, spacieux et à plus faible densité), la littératie en santé (la faculté de lire et comprendre une notice médicamenteuse) ;

– Considérant que la lutte contre ces inégalités sociales relève de politiques menées à tous les niveaux de pouvoir, dont les pouvoirs communaux ;

 

– Considérant, en termes d’état de santé :

– les préoccupations majeures que constituent la croissance de la surcharge pondérale, de l’obésité et leurs conséquences en matière de diabète3 et les liens entre ces affections et le manque d’activités physiques d’une part et la qualité de l’alimentation d’autre part ;

– les chiffres de la mortalité prématurée, c’est-à-dire le nombre de décès survenu avant 75 ans qui était de 344 par 100.000 habitants4 en 2019, dont les principales causes (2019)5 sont, pour les femmes, le cancer du sein, le cancer du poumon, et le suicide, et pour les hommes, le cancer du poumon, les cardiopathies ischémiques, et le suicide.

– Considérant dès lors que ces enjeux de santé doivent faire l’objet de politiques de prévention et de promotion de santé beaucoup plus affirmées en travaillant sur l’ensemble des déterminants ;

 

Caractéristiques des politiques menées par la commune d’Etterbeek

-Considérant que l’ensemble des politiques menées à Etterbeek ont une incidence directe ou indirecte sur l’état de santé de la population, mais que cette réalité n’est pas encore suffisamment affirmée ;

– Considérant l’adoption d’un Agenda 21 local qui témoigne de la volonté du Collège de travailler de manière transversale et d’inscrire ses politiques dans le cadre des Objectifs de Développement Durable de l’ONU ;

– Considérant qu’Etterbeek se caractérise par l’adoption régulière de mesures novatrices, par exemple, la mise sur pied du premier observatoire du logement, ou la première commune bruxelloise ayant adopté les sens uniques accessibles aux vélos, favorisant ainsi la pratique cycliste…;

– Considérant la sensibilité accrue du Collège sur les enjeux de santé qui s’est manifestée par exemple lors de l’épidémie de Covid par l’installation de centres de vaccination à proximité des habitants, favorisant dès lors leur accessibilité, ou encore par l’initiative des marches adaptées, accessibles à toutes et à tous, répondant par là au principe d’Activité Physique Adaptée ;

– Considérant l’adoption par la commune de mesures de promotion de santé dans ses Notes d’Orientation Politiques depuis plusieurs législatures communales ;

– Considérant l’importance de l’infrastructure communale participant directement à la promotion de la santé : centre sportif, piscine, terrain de foot…

– Considérant les différentes initiatives etterbeekoises en matière de participation citoyenne qui visent à renforcer l’implication des citoyens dans les processus de décision qui les concernent, répondant par là aux principes de base de la promotion de la santé édictés dans la Charte d’Ottawa (1986) ;

– Considérant l’existence à Etterbeek d’un réseau associatif très dense (mouvements de jeunesse, clubs sportifs, association de troisième âge, associations d’accompagnement des jeunes, réseaux d’entraide…) et touchant l’ensemble de la population et qui peut représenter un partenaire dans l’adoption de mesures visant à promouvoir la santé et le bien-être de la population ;

– Considérant enfin que le Collège peut bénéficier de l’aide méthodologique de l’asbl SACOPAR pour la mise en œuvre d’une démarche d’Évaluation d’Impact sur la Santé ;

 

 

 

Considérant l’ensemble de ces éléments, le Conseil communal:

– demande au Collège d’adopter la démarche d’Évaluation d’Impact sur la Santé pour toute décision politique ;

– demande au Collège de signer la Charte bruxelloise pour l’intégration de la santé dans toutes les politiques ;

– mandate le Collège pour la rédaction d’un plan d’action.

 

 

 

1 Ce qui explique que des jumeaux homozygotes disposant donc du même patrimoine génétique développent des pathologies différentes et présentent une espérance de vie différente suivant leur propre style de vie et le type d’environnement dans lequel ils évoluent ;

2 Consensus de Göteborg, 1999 (Concertation internationale menée sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé)

  • 3En 2018, 6,3% de la population belge avait un diagnostic de diabète connu (données de l’IMA). Cependant, plus d’une personne diabétique sur trois ne sait pas qu’elle est atteinte de la maladie (enquête de santé par examen, BELHES), ce qui porte la prévalence réelle estimée du diabète (connu + inconnu) à 10 %.

5 https://www.healthybelgium.be/en/health-status/mortality-and-causes-of-death/causes-of-premature-death

*Photo de Karolina Grabowska: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/sain-personne-rouge-coeur-4386467/